Le recours à des emprunts textuels est une des pratiques constitutives de l’écriture perecquienne, depuis le premier roman, Les Choses, élaboré à l’aide de l’Éducation sentimentale jusqu’à « 53 jours », roman inachevé, construit à partir de La Chartreuse de Parme. Ces emprunts textuels – citations, allusions ou références faites à d’autres textes – ont fait l’objet de multiples analyses qui méritaient un travail de synthèse. Dans son étude exemplaire, issue d’une thèse de doctorat soutenue en 2015, Raoul Delemazure ne s’est pas contenté de compléter, systématiser et reprendre ou critiquer les résultats de ces analyses, mais il a historicisé les pratiques intertextuelles et les revendications de ces pratiques pour comparer les procédés de Perec à ceux de ses prédécesseurs et de ses contemporains. Pour faire le tour des différents aspects de l’intertextualité dans l’œuvre perecquienne, Delemazure a lu et relu non seulement les textes de Perec, mais encore les nombreux ouvrages que celui-ci a cités, il a dépouillé les documents – agendas, avant-textes, lettres – qui se trouvent dans le Fonds privé de l’Association Georges Perec, ainsi que les inestimables Entretiens et conférences réunis par Mireille Ribière et Dominique Bertelli. À ces sources s’ajoute une abondante littérature critique consacrée à la notion et aux pratiques de l’intertextualité. Le principal but de Delemazure est d’apporter une réponse à la question apparemment simple posée par Perec lui-même dans son article « Emprunts à Flaubert » (1980) : « Le pourquoi de ces emprunts systématiques ne m’est jamais apparu très clairement ».
Manet van Montfrans, M. (2020) « Raoul Delemazure, Une vie dans les mots des autres. Le geste intertextuel dans l’œuvre de Georges Perec », RELIEF – Revue électronique de littérature française, 14(1), p. 176–180. doi: 10.18352/relief.1078.