Jean Rolin: Un chien mort après lui
Une première étude de La Clôture de Jean Rolin m’avait conduite à m’introduire avec le romancier dans les zones blanches situées entre le périphérique et le boulevard Ney à Paris, à la recherche des non-lieux de la « surmodernité » définis par Augé. Dans le présent article, je poursuis mes investigations en compagnie du même auteur qui, dans un texte entre reportage et récit de voyage intitulé Un chien mort après lui (2009), emmène le lecteur dans les endroits les plus déshérités de la planète où sévissent les conséquences de guerres, d’épidémies et de pauvreté endémique. Au milieu de la désolation, aux côtés d’hommes privés du strict nécessaire, vivent d’agressifs chiens « féraux », animaux domestiqués autrefois et retournés à la vie sauvage. J’analyse le motif allégorique du chien errant que Jean Rolin exploite et situe dans l’inhabitable pour mieux mettre en évidence les « dégâts causés par la folie des hommes ». Cependant, cette déshumanisation est relativisée par une mise en perspective diachronique des catastrophes et surtout, perd de sa virulence en laissant un espace à une réhumanisation qui s’opère à travers le style sobre de l’écrivain et son empathie pour les êtres.
Manet van Montfrans, Dogvilles: Jean Rolin sur les traces des chiens errants. In S. Freyermuth, J.-F.P. Bonnot & T. Obergöker (Eds.), — Ville infectée, ville déshumanisée: reconstructions littéraires françaises et francophones des espaces sociopolitiques, historiques et scientifiques de l’extrême contemporain — Comparatisme et société, 29, (pp. 139-152). Bruxelles: PIE Peter Lang, 2014.